Balise n° 9, village du Faubourg, Jean-Paul nous raconte une histoire...
Il était une fois un homme parfaitement ordinaire qui découvrit qu’il avait le pouvoir de changer les choses en mots. Cela se produisit par hasard : un jour
qu’il était en train d’écrire, une fourmi égarée vint se promener sur sa page, et il resta longtemps à la regarder, rêveur, pensant au mystère d’être une fourmi égarée sur une page. Or pendant
qu’il songeait il vit dans un demi-brouillard l’insecte s’aplatir et prendre les contours graphiques du mot fourmi. Il crut sur le coup être victime d’une hallucination et, par jeu plus
que pour exercer un talent qu’il ne connaissait pas encore, il pensa très fortement à la gomme qui se trouvait sur son bureau, à côté de lui. La gomme s’effaça et le mot apparut sur sa page. Cela
lui donna à réfléchir, et comme il se sentait en train, il s’amusa à s’attarder en pensée sur la douceur de sa lampe. N’ayant plus de lumière, il alla se coucher.
Huitième balise : Christine est émue, - nous aussi - en lisant le poème de Jean Le
Mauve...
nocturne un
Je me réveille. J’ai soif. À tâtons je vais dans la cuisine. Prends un verre.
Mais qu’est-ce qu’il y a de clair sur le bord de la fenêtre ?
On dirait une colombe qui dort la tête sous l’aile. Je m’approche. Me penche. Frappe au carreau. Elle se retourne.
C’est une chouette effraie.
Je distingue sa tête ronde cernée d’ombres pâles. Et voilà son bec. On se regarde un moment elle et moi les yeux dans les yeux puis elle s’envole dans un bruit de
tissu qu’on déplie.
J’éteins. J’ouvre grand la fenêtre. Je reste longtemps à aimer la nuit.
Balise 7, le long de la Gine, Mario lit un tout petit extrait de Mur de
sable.
(A signaler ici une faute de frappe - qui m'incombe ! - dans le livret Chemin des poètes 2009. Bien entendu, elle est corrigée sur l'écran. Qui saura la retrouver ?...)
7-
nuit de garde
suis-je vraiment cette sentinelle sous la lune
pointant la dune hostile par quelle force occulte
quelle somme de coïncidences folles quelle
concordance de lieu d'âge de moment
.../...
je suis ici cette nuit détestable factionnaire
alors que je rêvais un monde humain fraternel
on m'a instruit pour donner la mort sans réfléchir
si soudain un homme surgit pareil à moi
.../...
Mario URBANET
(Mur de sable
- Le temps des cerises)
Balise n° 6, in situ, Jean-Hugues dans un coude de la Gine :
6-
Nombril des mondes
J'écoute la chanson
de la rivière sur les cailloux
une main dans l'eau qui va
une main dans l'herbe
un œil dans les nuages
un pied sur terre
un pied contre l'écorce d'un jeune saule
une épaule dans le soleil
et
dans un coude de la rivière
une oreille aux pinsons
une oreille aux murmures de l'eau
une narine dans la menthe fraîche
les reins dans la mousse
je suis
le nombril des mondes.
Jean-Hugues MALINEAU
(De mémoire de petit garçon
- Lo Païs d'Enfance)
Note : pendant quelques jours, il y aura sans doute un peu de mou dans les réponses à vos commentaires car je serai cette semaine à Chalon-sur-Saône...
Cinquième balise : Claude Cailleau a eu la bonne idée d'attendre les retardaires pour
leur parler d'apéro dans le jardin...
5-
La vie dans le jardin. Comme à un fil, c'est le soleil qui entre dans le jour. La table sous le chêne, on y prend l'apéritif le soir, entre pénombre et nuit. Une
araignée descend de la branche au bout de son fil, commence une hasardeuse promenade entre les cris, accompagne la fuite des uns, le rire des autres.
La vie dans le jardin. L'herbe pousse sur tes heures en jachère. Et la plume de ton stylo gratte les feuilles, frôlant une mémoire vierge. La table sous le chêne recueille chaque jour l'énigme de
ta parole.
Claude CAILLEAU
(Pour une heure incertaine
- Sac à mots éditions)
Balise 4 : selon la vitesse du groupe, plusieurs personnes (dont Patrick Joquel) ont lu et dit le poème de Moreau du Mans; sur la photo, c'est Jacques Fournier qui officie...
4-
Ariane
Un grain de soleil vagabonde
Il traverse la joie des livres
Tournent l'azur et les pommiers
Dans les prisons neuves du miel
Le déclin d'une rose ouverte
C'est une porte d'aventure
Le vent brûle par les ajoncs
L'appel rugueux de nos destins
Un jaillissement d'hirondelles
Voici l'aurore qui tressaille
Dans chaque source qui fleurit
Exulte l'hiver condamné
Et c'est au fil de mots très sages
Que j'ai dégrafé ton sourire
Jacques MOREAU du MANS
(Poèmes pour une mort tranquille
- La Nouvelle Tour de Feu)
Une hirondelle
Chaque printemps fidèle
S'en revient se nicher
Au-dessus des étables
Avec au bec
Une rose des sables
Au ventre
Le blanc baiser des écumes
Et dessous l'aile
La noire chaleur
Des îles aquarelles
Jean-Claude TOUZEIL
(Random du petit tamis
- éditions Donner à Voir)
Avant de laisser se dérouler sur le biloba les photos et les poèmes du "chemin des poètes" et du "petit salon", voici le haïku n° 39, échappé des HaÏkus sans gravité (éditions l'épi de
seigle) :
Il est interdit
de chatouiller la statue
de la liberté
(Images Internet : 1.bp.blogspot.com et franceusa.blogspot.com)