Quelques mots pour vous donner envie de lire ce livre :
Yves Barré : Quasi-poèmes (Polder 180, Décharge/Gros Textes)
Si on en juge par le titre, le propos semble délibérément modeste, mais méfions-nous, c'est peut-être une fausse piste. D'autant plus qu'à l'instar d'un Queneau, d'un Lapointe ou d'un Boris Vian, l'auteur des Quasi-poèmes entretient une grande complicité avec le/la lecteur/trice. Puits de science et de culture, il n'a pas son pareil pour farfouiller dans l'étymologie et les emplois oubliés ou inconnus de tel ou tel mot. Par exemple, celui d'aigayer, page 36. (Regardez la petite note, en bas.)
Disons-le tout net, Yves Barré casse les codes habituels de la poésie, jouant malicieusement avec le titre, parfois plus long que le poème lui-même ! (cf. page 30). Multipliant les citations en exergue... qu'on jurerait apocryphes. Éparpillant les notules de bas de page, comme pour donner plus de crédit à sa « pensée »... Voilà pour le décorum, l'écrin, dans lequel le « quasi-poème » va pouvoir s'épanouir.
Les familiers du blog ahoui avaient déjà une idée assez juste du poème barréien : de l'ultracourt, sans trait d'union (!), de la fulgurance dans le trait d'esprit, une sorte de dialogue intérieur dans lequel la deuxième voix s'apparente à celle de Jiminy Cricket ou encore à celle du lecteur. Un voyage en absurdie parfois, comme ici : Sans titre // Sans poème / non plus //, des jeux de mots détachés d'une éphéméride : « Poème pour rebattre les cartes // Belote / Rebelote / Et pachyderme », des pirouettes finales aussi stupéfiantes qu'imparables : « Mer à boire // À peine eut-il fait / quelques pas sur la mer / qu'il sombra dans l'alcool // On venait de changer / l'eau en vin. »...
Finalement, il ne serait pas étonnant qu'Yves fût un des fils (cachés) de Cavanna : même verve inventive, même souci pédagogique patent, même amour du vocabulaire et de la langue, même sens de la répartie, même explosivité du style et refus des conventions...
Ajoutons-y la « tendresse rustique » évoquée par Claude Ribouillault, le brillant « préfarcier »... Et saluons les premiers pas d'Emmanuelle Brisset chargée de la déco en première de couverture avec une œuvre originale, d'une étrange douceur, sans équivalent connu à ce jour...