Aujourd'hui, un coup d'oeil sur un arbre quelque peu insolite dans notre région : l'oranger des osages, ou bois d'arc, ou encore maclure. Son petit nom latin : maclura pomifera.
Envie d'en savoir plus ? Regardez par ici : https://www.aujardin.info/plantes/maclura-pomifera.php
C'est Alain Boudet qui a découvert un ou deux spécimens d'orangers des osages à La Suze. (cf. photos 5 et 6)
Il a aussi écrit un poème pour célébrer cet oiseau rare :
Ce n'est pas un arbre d'usage
cet oranger des Osages
Un arbre de voyage
caché dans le barda
d'un gars de l'Oklahoma
un arbre arrivé là
venu du bout du monde
planté 'Au Bout du Monde'
aussi
entre le virage et 'La Fuie'
passé le pont de 'La Folie'
L'oranger des Osages
enchanté des orages
est arbre pour le rêve
Un piège de lumière
qui surprend le marcheur
quand ses fruits sont posés
dans le cœur de l'automne
comme des truffes d'or.
(Alain Boudet)
Et moi aussi :
Pour Alain B.
Du bout du monde
il vient
nous dit-on
d'une tribu indienne
en Oklahoma
ce sont des soldats
de la grande guerre
qui l'ont planté là
C'est un arbre
très étrange
que cet oranger
des Osages
entre deux messages
à déchiffrer
il donne parfois
des orages
à gros grains
Cependant
pas d'oranges
ni d'eaux sages
sous l'oranger
des Osages
à La Suze
dans la Sarthe
au bout du monde
(Jean-Claude Touzeil)
Aujourd'hui, un poème de Patrick Joquel :
J’entends le pin maritime grignoter un écureuil.
J’entends une pie jacasser l’écureuil.
Plus haut, j’entends un avion gronder le ciel.
Là-bas, j’entends le chien aboyer le bout du chemin.
J’entends aussi la route klaxonner une voiture.
J’entends la poupée promener sa petite Fiona.
J’entends sa joie chanter sa voix.
Mais j’ai beau tendre l’oreille je n’arrive pas à entendre les kakis mûrir.
Ni mes os me grandir jusqu’à les cueillir.
« Ecoute encore ».
J’écoute.
©Patrick Joquel
+ Un petit tour sur son site : http://www.patrick-joquel.com/
+ dernière minute : en 2017, ce poème est devenu un livre intitulé : "écoute", publié aux éditions de l'initiale avec des gravures de Vincent Tavernier.
Tous les deux ans, notre asso organise une soirée "Moules/Frites & Poésie"... C'est, comme on dit parfois, un concept qui ne manque pas d'audace. Cette année, ce sera le samedi 24 novembre. Une façon comme une autre de marquer son soutien à notre "Printemps."
Au programme, corvée de pluches, décoration de la salle, brossage des moules, etc. Toutes ces petites choses qui se passent avant, sans même parler de celles qui se passent après, le dimanche matin par exemple...
Cette année-là, 1336, le Japon se réjouit de fêter le début de l'époque de Muromachi et les parents de Tamerlan envoient un faire-part de naissance à la famille et aux amis. Par chez nous, les Plantagenêt passent un coup de miror sur les lames de leurs épées pendant que les Valois retendent leurs arcs et leurs arbalètes... Des deux côtés, on se prépare à la guerre de cent ans...
Pendant ce temps, le 26 avril de la même année, un peu plus bas sur la carte, superbement moulé dans son maillot bleu azur, floqué d'un : "Aux vélos d'Hippone" aussi énigmatique que fluorescent, Francesco Petrarca ahane bruyamment en gravissant les pentes du Mont-Ventoux. C'est qu'il n'est pas vraiment un "ange de la montagne", le Francesco, et il souffre le martyre...
Dans un flash dont il a le secret, il a une fugace pensée pour Tom Simpson. Mais l'air lui manque, il commence à zigzaguer dangereusement. Un vieux berger lui tend une fiole de gnôle qu'il avale cul sec ! C'est le coup de grâce : entre deux ou trois mots bizarres qu'il balbutie comme Malaucène, Bédoin ou Chalet Reynard, il a le temps de citer Saint-Augustin : "Les hommes s’en vont admirer les cimes des montagnes, les vagues de la mer, le vaste cours des fleuves, les circuits de l'Océan, les révolutions des astres, et ils se délaissent eux-mêmes." avant de sombrer dans un profond coma...
N.B. : pour les curieux qui voudraient aller plus loin, un document à lire ici :
https://www.fadebiaye.com/read/layouts/petrarque.pdf
Pour tout le monde, ajoutons qu'aujourd'hui Pétrarque est considéré comme le patron des alpinistes...
(+ Remerciements à Y. B. qui m'a soufflé l'idée...)
Quelques mots pour vous donner envie de lire ce livre :
Yves Barré : Quasi-poèmes (Polder 180, Décharge/Gros Textes)
Si on en juge par le titre, le propos semble délibérément modeste, mais méfions-nous, c'est peut-être une fausse piste. D'autant plus qu'à l'instar d'un Queneau, d'un Lapointe ou d'un Boris Vian, l'auteur des Quasi-poèmes entretient une grande complicité avec le/la lecteur/trice. Puits de science et de culture, il n'a pas son pareil pour farfouiller dans l'étymologie et les emplois oubliés ou inconnus de tel ou tel mot. Par exemple, celui d'aigayer, page 36. (Regardez la petite note, en bas.)
Disons-le tout net, Yves Barré casse les codes habituels de la poésie, jouant malicieusement avec le titre, parfois plus long que le poème lui-même ! (cf. page 30). Multipliant les citations en exergue... qu'on jurerait apocryphes. Éparpillant les notules de bas de page, comme pour donner plus de crédit à sa « pensée »... Voilà pour le décorum, l'écrin, dans lequel le « quasi-poème » va pouvoir s'épanouir.
Les familiers du blog ahoui avaient déjà une idée assez juste du poème barréien : de l'ultracourt, sans trait d'union (!), de la fulgurance dans le trait d'esprit, une sorte de dialogue intérieur dans lequel la deuxième voix s'apparente à celle de Jiminy Cricket ou encore à celle du lecteur. Un voyage en absurdie parfois, comme ici : Sans titre // Sans poème / non plus //, des jeux de mots détachés d'une éphéméride : « Poème pour rebattre les cartes // Belote / Rebelote / Et pachyderme », des pirouettes finales aussi stupéfiantes qu'imparables : « Mer à boire // À peine eut-il fait / quelques pas sur la mer / qu'il sombra dans l'alcool // On venait de changer / l'eau en vin. »...
Finalement, il ne serait pas étonnant qu'Yves fût un des fils (cachés) de Cavanna : même verve inventive, même souci pédagogique patent, même amour du vocabulaire et de la langue, même sens de la répartie, même explosivité du style et refus des conventions...
Ajoutons-y la « tendresse rustique » évoquée par Claude Ribouillault, le brillant « préfarcier »... Et saluons les premiers pas d'Emmanuelle Brisset chargée de la déco en première de couverture avec une œuvre originale, d'une étrange douceur, sans équivalent connu à ce jour...