Bon, on reprend la route habituelle avec "un bon livre", celui de Paola Pigani : "Des orties et des hommes"...
Sur la 1ère de couverture, le bandeau du "Monde" indique : "Un chant d'adieu au monde paysan."
Pour vous inviter à le lire, je vous ai quand même ajouté quelques lignes :
Paola Pigani : Des orties et des hommes (éditions Liana Levi )
Il ne faudrait pas réduire ce livre aux difficultés de la classe paysanne à faire sa révolution dans les années 70. Cependant, c'est bien dans ce cadre que se situe cette histoire.
Une histoire touchante, celle d'une famille venue du Frioul, région du nord de l'Italie pour travailler en France, dans les Charentes. D'autant plus émouvante que, d'une part, « c'est du vécu » et que, d'autre part, c'est Pia, la narratrice, une petite fille d'une dizaine d'années... Une enfant élevée à la dure, participant déjà aux travaux de la ferme, sensible à la faune et la flore qui l'entourent, à la nature tout simplement. En même temps, elle est attirée par les plus faibles, les plus déshérités de la société, comme Joël, le bossu, ou comme les petites nonnas des villages voisins, occupées juste à survivre...
La narration se déroulant sur plusieurs années, Pia grandit d'autant, bien sûr, tournant douloureusement la page de l'enfance pour se retrouver adolescente, pensionnaire dans un établissement religieux de La Rochefoucault, chez les blouses grises. Parallèlement, des événements socio-politiques ont lieu : mai 68, grandes grèves, occupation du Larzac, période de sécheresse en 76, etc. Des bouleversements dans le monde agricole avec des organisations de paysans-travailleurs qui annoncent l'éclosion de syndicats en marge comme celui qui deviendra « la Conf' ». Toute la famille de la narratrice est mobilisée, écrivant des tracts, collant des affiches et participant à des réunions semi-clandestines chez les uns ou les autres.
Les relations qui unissent les membres de la famiglia sont faites de tendresse et d'amour partagé, aussi bien entre frères et sœurs qu'avec les parents. Il s'ensuit des galeries de portraits toujours positifs et bienveillants ainsi que des scènes paysannes presque « bibliques » comme la naissance du veau ou les rites de la fenaison...
Au fur et à mesure de l'avancée de ses études, les lectures de Pia tournent de plus en plus autour de la poésie : elle se frotte à Rimbaud, à Xavier Grall ou à Paul Éluard, recopie des passages dans ses cahiers, les affiche sur les murs, trouvant sans doute chez les poètes les mots qui lui trottaient plus ou moins confusément dans la tête...
Ce sont d'ailleurs les qualités principales de ce livre : un bonheur d'écriture à jets continus, une fluidité qui vous emporte, un chant profond, une voix fraternelle... Bref, un bain de poésie à toutes les pages...