21 mai 2020
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Pendant le confinement, j'ai reçu plusieurs poèmes "pour tenir le coup" envoyés par Jacques Fournier, fin connaisseur de la poésie contemporaine, et d'autres pour "imaginer le jour d'après" envoyés par Véronique Trinel, directrice de la Maison de la Poésie des Hauts de France. Un par jour...
En voici un :
NUAGES
La description des nuages
exige de faire diligence -
en une fraction de seconde
ils ne sont plus tels, ils sont autres.
Leur trait principal consiste
à ne jamais reproduire
ni formes, ni teintes, ni poses, ni dessins.
Jamais porteurs d'aucune mémoire,
légers, ils survolent la gravité des faits.
Témoins de quelque chose - vous voulez rire !
au moindre souffle, voilà qu'ils s'éparpillent.
En regard des nuages
la vie semble solide,
presque enracinée et quasi éternelle.
A côté des nuages
les pierres sont nos soeurs,
sur elles nous pouvons compter,
tandis qu'eux, mon Dieu, des cousins lointains et volages.
Que les gens soient, s'ils y tiennent,
et qu'ils meurent ensuite un à un,
les nuages n'en ont rien à faire
de ces affaires
extraordinaires.
Au-dessus de ta vie parfaite,
de la mienne, imparfaite pour l'instant,
ils paradent, fastueux comme avant.
De périr avec nous ils ne sont point tenus.
Pour voguer, nul besoin d'être vu.
Wislama SZYMBORSKA
in Instant, 2002, repris dans De la Mort sans exagérer, Poèmes 1957-2009, Gallimard NRF Poésie, traduction du polonais revue et corrigée par Piotr Kaminski, 2018.
( Wisława SZYMBORSKA, poète polonaise, née en 1923, décédée en 2012. Prix Nobel de littérature 1996. )
Et un deuxième :
Un matin de nuques libres
on se prendra dans les bras
et on regardera du côté
de la vie qui bat
Marie DESMARETZ,
poète d'aujourd'hui, venue sur le chemin des poètes à Durcet, en 2018.