Nicole LAURENT-CATRICE : La boîte noire, éditions du petit véhicule.
C'est ce que les libraires appellent « un beau livre » : format carré, poème imprimé sur la page de droite, - la page « noble » - , illustration en couleurs à gauche, en regard, reliure artisanale avec ficelle apparente, couverture noire, etc. Un tel écrin aurait pu contenir des poèmes tout en douceur, comme qui dirait des bonbons... Détrompez-vous, le titre annonçait bien la couleur ! Nous sommes résolument dans le sombre, avec des nuances de gris, quand même. La raison en est sans doute à chercher dans le processus d'écriture : ce sont les dessins de Frédéric Hubert qui ont fait naître les mots de Nicole, à l'inverse de ce qui se pratique généralement. L'artiste use pour cela d'une méthode originale et féconde : dans chaque dessin, il installe un individu centra1, toujours le même, un vieillard aveugle assis dans un fauteuil, coupé du monde extérieur. Autour de lui, sont alors convoqués de nombreux personnages, plus ou moins symboliques de tous les malheurs de la terre.
Nicole Laurent-Catrice s'ingénie à rebondir à partir de ces images parfois sibyllines : elle en propose une lecture personnelle très « pointue », à deux mille lieues d'une banale description ou d'un commentaire attendu. Elle les décrypte, les transcende, dénonçant au passage les dérives inégalitaires de la société d'aujourd'hui, réglant des comptes avec la religion, l'enfance brisée ou la corrida par exemple. Il se dégage de l'ensemble une impression de vivacité, de force, de profondeur, de vérité, le plus souvent sobrement ponctuée par une chute brutale, cruelle et drôle à la fois... Un peu comme le silence obsédant du « Cri » de Munch ou le scalpel d'un phylactère vide...
***********************
Note : le blog biloba va prendre un rythme de vacances, à raison d'un billet tous les trois ou quatre jours, selon l'humeur et le temps disponible...
********************************