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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 05:07

L'autre jour, sur un parking d'autoroute (on dit peut-être "aire de stationnement"), un camion bleu avec, en lettres jaunes, l'inscription : "Michaux" !...

Voilà de quoi alimenter la rubrique "Nom d'un poète !". Ben oui, quoi : Henri Michaux, poète (et peintre) belge du XX° siècle. (Plus d'infos par ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Michaux )

Pour les curieux, sachez que l'entreprise de transports Michaux est située à Sedan, dans les Ardennes.

Alors, relions maintenant les deux.
Un extrait de "La nuit remue" :

Celui qui n’accepte pas ce monde n’y bâtit pas de maison. S’il a froid, c’est sans avoir froid. Il a chaud sans chaleur. S’il abat des bouleaux, c’est comme s’il n’abattait rien. Mais les bouleaux sont là, par terre et il reçoit l’argent convenu, ou bien il ne reçoit que des coups. Il reçoit les coups comme un don sans signification, et il repart sans s’étonner.

Il boit l’eau sans avoir soif. Il s’enfonce dans le roc sans se trouver mal.
La jambe cassée, sous un camion, il garde son air habituel et songe à la paix, à la paix, à la paix si difficile à obtenir, si difficile à garder, à la paix.

Sans être jamais sorti, le monde lui est familier. Il connaît bien la mer. La mer est constamment sous lui, une mer sans eau, mais non pas sans vagues, mais non pas sans étendue. Il connaît bien les rivières. Elles le traversent constamment, sans eau mais non pas sans langueur, mais non pas sans torrents soudains.
Des ouragans sans air font rage en lui. L’immobilité de la terre est aussi la sienne. Des routes, des véhicules, des troupeaux sans fin le parcourent, et un grand arbre sans cellulose mais bien ferme mûrit en lui un fruit amer, amer souvent, doux rarement.

Ainsi à l’écart, toujours seul au rendez-vous, sans jamais retenir une main dans ses mains, il songe, l’hameçon au cœur, à la paix, à la damnée paix lancinante, la sienne, et à la paix qu’on dit être par-dessus cette paix.

***

Henri Michaux (1899-1984)La nuit remue (1935)

photo : flora + lunion.presse.fr, larousse.fr, baudoin-lebon.com
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commentaires

M
C'est lui l'auteur de "La jument" ? ben oui, la jument de Michaux...
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T
Marijo (Bretonne, elle aussi...) a dégainé la première...
C
Heureusement que j'ai lu les commentaires, j'allais écrire que le premier poème que j'ai connu de Michaux est, de sa période bretonne, "La jument"... Mais Marijo est passée avant.
T
Elle est très bonne !...<br /> On pourrait ajouter &quot;et son petit poulain...&quot;
M
Un &quot;poids-lourd&quot; de la littérature, cet Henri Michaux...
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T
Tu me tends la perche, il me semble, pour que je te réponde : non, c'est un poids &quot;Plume&quot; !...
T
s'il eût écrit sur un camion, son nom aurait été moins lisible.
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T
Et s'il avait été graveur, il aurait percé la bâche !...
L
Je préfère être transportée par le poète!
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T
Comme on te comprend !...
Y
Je ne résiste pas à te proposer cet autre texte (&quot;Face aux verrous&quot;) :<br /> <br /> « Si toutes les vaches fonçaient sur les camions, il y aurait un recul des camionneurs, des ouvriers des abattoirs, et pendant quelque temps, des mangeurs de viande. Mais qu'elles ne s'y trompent pas, l'humanité n'est pas prête à lâcher le bifteck et le lait de ses enfants, pour une simple affaire d'humeur.»
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T
Une réponse au commentaire précédent a du mal à trouver sa case !...<br /> Ton illustration poétique est meilleure que la mienne, merci !
T
...comme le houblon, tu veux dire...